Photo de Nan Goldin.

Lorsque nos regards se croisèrent la première fois, je crus que le sien allait se détourner; ce fut à moi de baisser les yeux: elle me détaillait.

Elle me sourit, voyant mon air béat et solennel, puis un groupe d'étudiants la hélèrent à grands bruits.

Légère et radieuse, elle partit les rejoindre.

Je mourrais de tant de grâce.

   Le soir, je la croisai, rayonnante et gracile, inondant le parc d'une splendeur tragique.

Elle avait un visage d'une finesse compliquée, et ses traits n'exprimaient jamais ni dégoût, ni pitié ; rien qu'une impérieuse douceur.

   Ces étudiants, dont j'étais, avaient soif et faim de beauté et un regard d'***** suffisait à tarir ce manque, cette frustration.

Celui qui la voyait occultait tous ses maux pour contracter aussitôt une maladie plus grave encore et que la mort ne rend pas supportable.

Celui qui la voyait était sauvé et perdu.

   Ses expressions, tour à tour innocemment cruelles ou d'une fraîcheur déchirante rendaient mélancolique et infiniment amoureux chaque passant.

   Elle rit de nouveau et s'enfuit, mais derrières ses rires, espiègles, et délicieux, semblait se cacher une souffrance immuable ; ses yeux, même plissés de plaisir, étaient constellés de bribes de souvenirs déchus.

Son rire éclaboussait...

            Sa chevelure éparse sur de frêles épaules s'envolait au gré d'une brise ondoyante ;

Sa chevelure épousait de ses boucles son visage opalin, faussement sage, dont le teint de        nacre faisait un peu peur.

            Elle sembla s'entre envolée...

            J'eus ma première insomnie pour excès d'admiration.